Traduit de l'anglais (Canada) par Madani
La nature, surtout dans sa version forêt vierge, n'est pas précisément un terrain de jeux lumineux et accueillant. C'est au premier abord, pour les héros citadins de Safari lune de miel et leur guide aguerri, un repaire grouillant de créatures hostiles et de plantes toxiques que les brochures touristiques oublient en général de mentionner : araignées cyclopes, mille-pattes géants, anémones de terre, singes télépathes et autres insectes intrusifs. Même les paysages traversés par notre couple d'amoureux et leur guide sont déroutants, avec leurs anomalies spatio-temporelles ou leur construction digne d'un géomètre maniaque fan de M. C. Escher.
Les aventures qui attendent nos personnages, entre action bien virile et séquences hallucinatoires, sont prétextes à décrire en une élégante trichromie verte une nature fantasmagorique qui se révélera être bien plus qu'un simple décor. Pour compléter cette description, ou alors pour égarer encore plus le lecteur dans sa bande dessinée comme ses personnages dans la forêt, Jesse Jacobs a entrecoupé son récit de planches taxinomiques, de gags muets mettant en scène la vie quotidienne du bestiaire et de mystérieux vers déclamés par un arbre poète, ouverts à la libre interprétation du lecteur.
Face à cet environnement déroutant, chaque membre du trio d'explorateurs-touristes réagira à sa façon, évoluant vers une acceptation mystique tendance new age ou au contraire campant sur ses positions de citadin exigeant. Jardin d'enfant, Jardin d'Eden ou monstrueux Jardin des Délices boschien, chacun verra la nature avec des yeux nouveaux. Et les caractères des différents personnages soumis à l'influence de la forêt se révéleront plus complexes qu'il n'y paraissait.
Ici comme dans …et tu connaîtras l'univers et les Dieux, la précédente fable cosmogonique de Jesse Jacobs, l'univers n'est ni entièrement hostile ni entièrement bon. Tout est lutte entre des principes opposés : Ablavar et Zantek, le bien et le mal, le vénéneux et le comestible ou encore le parasite qui s'introduit par l'oreille et celui qui s'introduit par l'anus.
« (…) Le résultat est un album étonnant et perturbant, comme l’était …Et tu connaîtras l’Univers et les Dieux, mais c’est aussi une aventure très drôle, comme une bande dessinée franco-belge sous acide, un (stimulant) trip graphique. »
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Alexis Laballery, Parutions.com
« (…) La trichromie foisonnante et méticuleusement organisée de Jesse Jacobs (les tons sont verts, naturellement) fascine et ensorcelle. On ne serait pas tout à fait surpris de rencontrer au détour d’une page Frank ou le pupshaw de Jim Woodring, égarés dans ce monde qui n’est pourtant pas le leur, mais le cousinage reste lointain et le travail de Jesse Jacobs suffisamment singulier pour n’appeler aucune référence directe. À découvrir absolument. »
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Contrebandes
« (…) Trichromie et style rond hybride, scénario digne d’un David Lynch sous acide, et, pour enrichir son bestiaire, l’auteur intercale même d’étranges planches dignes d’un manuel biologique (qui ne sont pas sans faire penser aux Alpha et Beta de Jens Harder) rendant le voyage, pardon, la lune de miel, encore plus déstabilisante. »
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BOBD
« (…) Jesse Jacobs révèle un univers très particulier, à la fois merveilleux et repoussant, qui suscite jusqu’à de l’écœurement. L’imagination débordante de l’auteur, pleine d’humour et d’ironie, est habilement retranscrite grâce à un dessin précis aux multiples détails, et un sens de la symétrie détonnant abordant de nombreuses symboliques, notamment celle de la société de consommation d’aujourd’hui. (…) »
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Sophie André, La Ribambulle
« (…) Énormément de thématiques intelligentes sont sous-entendues dans ce merveilleux album : les relations de couple et leurs tensions (le mari montre ses muscles, veut être protecteur et la femme, dans la réflexion, plus indulgente), le désir d’enfant (la femme adopte Winston, une drôle de créature dont la mère fut tué par le guide), le rapport au corps et ses nuisibles (des vers en tout genre qui se glissent par tous les orifices, les maladies, les changements d’humeur), la nourriture (tout le monde se mange, comme dans la chaîne alimentaire, pourtant les animaux sont souvent toxiques), la dénonciation de la chasse (les safaris onéreux et qui permettent aux riches de tuer en toute impunité, cf. le fameux lion Cécil tué au Zimbabwé par un dentiste), l’écologie et l’environnement (la toute puissance de l’homme sur la nature et son envie de toujours la dominer, les différentes espèces maritimes ou terrestres, la capacité de ces dernières à se révolter contre l’Homme), le temps qui passe (la très belle séquence de la distorsion du temps est à savourer) mais aussi après la mort du guide, le quasi retour aux origines pour le couple (nus, ils redeviennent une sorte d’Adam et Eve au milieu d’une nature qui les attire et qui les repousse). Toutes les scènes se déroulant dans l’album se mélangent au scènes rêvées. (…) »
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Damien Canteau, ComixTrip